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  • Pierre Cossard

Humeur : l’hydrogène sauvera-t-il les motoristes européens ?

16/09/2022 - On peut faire beaucoup de reproches à la stratégie européenne, et singulièrement française, en matière d’énergie, je l’ai déjà évoquée plusieurs fois.


Pas question ici de juger du bien-fondé de tous les arguments mis en avant par les apôtres du « réchauffement », du « changement » ou du « dérèglement » climatique. Difficile aussi de douter de l’impact de 8 milliards d’humains sur ce qui ressemble à l’accélération d’un processus.


Tout juste devrait-on rappeler plus souvent que météorologie et climatologie sont deux domaines différents, ou que « Fin du monde » et « Fin d’un monde » ne signifient pas tout à fait la même chose. Rappelons enfin que la peur (désormais appelée « éco-anxiété », ça ne s’invente pas…), réelle parfois, mais surtout fortement instrumentalisée, est toujours mauvaise conseillère.


De fait, à l’aune de l’histoire des énergies, vouloir, en moins de vingt ans, imposer un processus de transition fondamental - en gros, abandonner tout recours aux énergies fossiles au seul profit d’une électricité « propre » - à tous les niveaux de nos sociétés complexes semble confiner au vœu pieux.


Un peu de culture historique et de réflexion aurait sans doute permis à tous ceux qui militent pour cette révolution à marche forcée de constater que les différentes énergies qui ont marqué l’évolution humaine (traction animale, bois, charbon, pétrole/gaz pour faire simple) se sont plus ou moins imposées les unes aux autres sur des périodes bien plus longues.


Par ailleurs, aucune de ces sources n’a disparu au seul profit de ce que nous pourrions estimer être sa remplaçante du moment. Ceux qui s’attachent à comprendre plutôt qu’à militer estiment même plus prosaïquement que les usages de ces différentes sources sont juste venus se compléter.


Le monde d’aujourd’hui n’a par exemple jamais produit et consommé autant de bois, de charbon, de pétrole et de gaz (85 % de la consommation mondiale d’énergie primaire)… et souvent pour produire de l’électricité. Un paradoxe ?


S’interroger sur cette réalité, complexe (trop ?), est sans doute le premier exercice à mener avant de se jeter quasi religieusement dans une révolution faisant table rase du passé, surtout lorsqu’elle semble finalement ne devoir concerner qu’une part minime de l’humanité, soit l’Occident, là encore pour faire simple. Mais n’est pas Pierre Messmer qui veut…


Quelle place pour l’hydrogène dans tout cela me direz-vous ?


Au moment où l’argent commence à couler à flots vers la production d’hydrogène vert (on pense aux 7 milliards d’euros des plans France Relance et France 2030), il semble plus que jamais bon de s’interroger sur l’usage qui sera fait de tout ce gaz à venir.


A ce jour, l’hydrogène produit (gris, c’est-à-dire obtenu à partir de sources dites « polluantes » dans 96% des cas) est majoritairement utilisé par l’industrie. Son remplacement par du « H2 vert » (pour faire court produit par des électrolyseurs alimentés majoritairement par des éoliennes), sera en soi une bonne chose dans une logique de diminution de notre impact écologique.

Dans un autre registre, les bus, camions, trains ou voitures H2, pour la plupart conçus aujourd’hui autour d’une pile à combustible, représentent, en premier lieu pour des raisons de coûts d’acquisition, une piste d’usage intéressante, mais qui devrait rester minime.


Au-delà, et n’en déplaise aux multiples pourfendeurs du moteur thermique, et du diesel en particulier, nombreux sont désormais les industriels, certes motoristes pour la plupart, qui constatent que l’hydrogène peut devenir demain un excellent carburant propre pour ce type de technologie, et ce avec des rendements plus que corrects.


Avec plus d’une centaine d’années de retour d’expérience sur le moteur à explosion, alors que se multiplient les expérimentations, et que certains grands noms du secteur travaillent déjà outre-Atlantique à une industrialisation de ce procédé, il serait enfin profitable que nos décideurs européens fassent une pause dans leur frénésie de destruction créatrice.


Elle semble en effet nécessaire avant que toutes les fonderies européennes n’aient fermé leurs portes, que tous les motoristes n’aient définitivement jeté l’éponge (ou vendu leurs machines-outils sur d’autres continents), et que les compétences péniblement accumulées ne se soient évaporées (comme c’est aujourd’hui en partie le cas dans l’industrie nucléaire française par exemple…).


L’Union européenne risque ici (une fois de plus ?) de passer à côté d’une vraie et durable révolution industrielle (même si c’est à moyen terme, c’est-à-dire au-delà de la prochaine échéance électorale), et de troquer des certitudes pour du vent...


Espérons donc qu’il ne soit pas trop tard pour nos industriels, eux qui en savent généralement plus long sur les technologies prometteuses (c’est-à-dire économiquement et socialement viables) que les planificateurs et prophètes de salon...

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