A Cuba, les transports
freinent le développement

Michel Chlastacz
Alors que le tourisme est devenu la locomotive économique de Cuba, l’insuffisance de l’offre de transport s’ajoutant au délabrement des infrastructures risquent-ils de compromettre cette expansion ?
Un défi structurel pour un pays en phase, hasardeuse, de transition politique et économique.
La ligne Central du pays.
Alors que le tourisme est devenu la locomotive économique de Cuba, l’insuffisance de l’offre de transport s’ajoutant au délabrement des infrastructures risquent-ils de compromettre cette expansion ? Un défi structurel pour un pays en phase, hasardeuse, de transition politique et économique.
Les camellos, ces camions semi-remorques sommairement transformés en bus ou en cars à grande capacité durant la « période spéciale »(1), ont disparu des rues et des routes cubaines. N’empêche que la crise des transports demeure. Et risque même de devenir un frein à la croissance exponentielle du tourisme, un secteur économique devenu stratégique avec ses 2,7 Mds€ de rentrées en 2015, six fois plus que l’exportation de sucre !
Un secteur stimulé par la libéralisation du marché de l’hôtellerie et de la restauration privée, avec le développement exponentiel des casa particular, une forme d’hôtellerie familiale qui représenterait la majorité des 550 000 emplois issus des micro-entreprises privées. En 2017, Cuba a accueilli quatre millions de visiteurs étrangers (plus de 40% de Canadiens et de 3 à 4% de Français). Un total en hausse de 15% par rapport à l’année précédente, et qui a doublé en dix ans.
Une accélération difficile à absorber quand « l’intendance ne suit pas ». Côté hébergement et restauration, l’ouverture au secteur privé peut - au moins à moyen terme - suppléer à l’inertie et à la médiocrité persistante du secteur d’État. En attendant l’accroissement des prises de participations d’acteurs internationaux de l’hôtellerie, qui atteint la moitié du parc hôtelier, et où les groupes espagnols se sont déjà assurés une place importante.
Mais cette croissance à marche forcée se heurte au manque de moyens de transports, leurs limites de capacité et leur absence de qualité. Ce qui concerne surtout les touristes individuels, puisque les Tours Operateurs de groupes disposent d’importantes flottes de véhicules et d’offres adaptées aux déplacements et excursions. Ainsi, Transgaviota, une filiale du loueur automobile national cubain Via, a mis en place des relations régulières d’autocars entre les principales zones d’excursions depuis les grands hôtels des centres urbains ou les complexes de séjour de masse comme la péninsule de Varadero.
Transtur a une offre comparable accessible aux touristes individuels. Filiale autocars d’Havanauto, autre loueur automobile, elle propose des allers-retours à la journée, guide et déjeuner inclus, en direction de lieux touristiques. Avec des horaires aléatoires liés au rythme de remplissage des véhicules d’hôtel à hôtel.
L’offre de transport cubaine s’avère aussi limitée que tendue. Même si dans ce domaine, on revient de très loin, et qu’un certain folklore demeure avec la persistance de modes atypiques. La modernisation s’est imposée au fil des années avec l’arrivée depuis 2005 de nouveaux matériels chinois.
Ainsi, en une dizaine d’années, l’industriel Yutonga livré plus de 6000 véhicules aux opérateurs cubains. Il s’agit surtout d’autobus urbains, depuis les petits bus scolaires à ceux destinés aux réseaux de villes moyennes, en passant par des bus articulés. Ces livraisons ont porté également sur des autocars destinés aux services réguliers ou touristiques à grande distance.
Et depuis 2014 s’ajoute la livraison de 1500 châssis par le constructeur russe PAZ. Ils sont destinés à la fabrication des Diana, des véhicules urbains « midi-bus » de 42 places montés sur le site CAISA de Guanajay, au sud-est de La Havane.
Un large renouvellement des flottes
Aussi, les opérateurs locaux ont pu renouveler leurs flottes, et commencer à redresser une situation auparavant jugée désespérée. L’amélioration a d’abord bénéficié aux transports publics urbains. Après les camellos,ils ont pu remplacer les véhicules de seconde main néerlandais et espagnols passés aux transports d’entreprises.
La Havane a renouvelé son parc de bus, qui associe véhicules blanc-bleu des Omnibus Metropolitanos de la ville avec autobus articulés orange des lignes suburbaines de l’Empresa Provincial de Transportes de La Habana (2).
L’évolution est loin d’être achevée. Fin 2016, dans un forum organisé sur le site « Cubadebate », José Conessa Gonzales, responsable de la Direction Générale des Transports de La Havane, estimait qu’en dépit d’efforts indéniables, les transports urbains de la capitale se caractérisaient toujours par « l’instabilité de l’offre, son insuffisance et sa faible qualité ». Ce qui explique la concurrence des taxis. Comme celle des particuliers qui rentabilisent l’achat et l’utilisation de leurs véhicules. Le tout sans oublier chauffeurs d’entreprises ou d’administrations qui arrondissent leurs fins de mois !
Ce système de « maraude » a d’ailleurs été légalisé par la mise en place de « Punto de Transportacion de Pasajero » annoncés par panneaux ad-hoc. Et régulé par des préposés en tenue orange installés aux points d’arrêts pour contrôler le montant demandé pour la course !
Côté transports publics routiers de voyageurs à grande distance, les réseaux d’autocars structurés comme celui de Viazultirent leur épingle du jeu. Rançon du succès, ils se heurtent à de fortes limites de capacité, obligeant à restreindre la demande via de dissuasifs délais d’attente et de réservation.
La réservation en ligne se fait au minimum une semaine avant le départ, et il faut acquérir son billet dans les gares et les agences de voyages au plus tard un ou deux jours auparavant. Ce qui oblige de nombreux voyageurs à se reporter vers une offre hétérogène de taxis collectifs. Sans oublier le problème des gares routières obsolètes et qui le plus souvent ne bénéficient que d’un confort spartiate et d’installations d’accueil minimalistes.
Viazul propose un réseau de neuf lignes principales, dont cinq au départ de La Havane. Avec, selon les destinations, de deux à cinq allers-retours journaliers vers une trentaine de villes. En raison de l’engorgement croissant du réseau, des offres complémentaires se mettent en place. Connectando circule entre les hôtels des centres-villes, alors que les Omnibus nacionales du réseau général inter-villes (pris littéralement d’assaut) proposent une offre régionale fine…
Des infrastructures en mauvais état
Au-delà du renouvellement des véhicules, les infrastructures routières - y compris la voirie urbaine, souvent dans un état désastreux - nécessitent d’urgents travaux. Puisqu’en dépit d’un faible parc automobile et d’une circulation limitée, le réseau routier est peu performant.
Il s’organise autour de l’Autopista nacional, l’autoroute qui relie d’ouest en est Pinar del Rio à La Havane (A 4) puis La Havane à Santa Clara et à Sancti Spiritus (A 1), itinéraire suivi de tronçons routiers classiques jusqu’à Santiago de Cuba. S’ajoutent trois antennes autoroutières partant de La Havane vers le port de Mariel, au nord-ouest, Melena del Sur et San Antonio de los Banos au sud, ensemble incomplètement relié aux abords de La Havane par un boulevard périphérique. Soit 915 km d’infrastructures rapides. Plus proches d’ailleurs de routes express parcourables à 100-120 km/h que de véritables autoroutes(3), et dont l’état reste très variable selon les sections.
Les routes nationales dites Carreteras totalisent 2000 à 3000 km,. Elles s’organisent autour de la Carretera Central, créée durant les années 1930, et dont le tracé est plus ou moins parallèle à l’Autopista nacional. Elles n’offrent que d’assez faibles capacités et un niveau d’entretien inégal. Tandis que moins de la moitié des 57 000 km de routes régionales et locales bénéficie de revêtement.
Après vingt ans d’interruption, de nouveaux chantiers autoroutiers sont relancés sur près de 250 km avec le bouclage de l’A 1 vers Santiago de Cuba, la construction d’échangeurs inachevés sur les autoroutes existantes et le prolongement de l’A1 vers Guantanamo. S’ajoute la construction d’une branche vers le port de Mariel depuis l’autoroute La Havane-Pinar delRio.
L’amorce timide d’un nouveau souffle pour le train
« Il faut faire du train une offre touristique attractive», annonçait fin 2015 Enrique Valdès, directeur général des Chemins de fer cubains (FCC), qui lançait la réhabilitation de la gare de La Havane Central. Il présentait aussi le plan de réhabilitation et de modernisation du réseau ferré. Plan de la dernière chance pour certaines lignes en raison de l’état des infrastructures.
Car la monumentalité et l’élégance fanée des grandes gares cubaines, avec en tête l’imposant bâtiment de La Habana Central flanqué de ses deux tours de style andalou, ne doit pas faire illusion. Et même si le réseau ferré de l’île est - de très loin - le plus dense (7,6 km/100 km2) et le plus cohérent des Antilles et de l’Amérique centrale, il souffre, comme le réseau routier - souvent en pire - d’une absence de maintenance obligeant à limiter les vitesses sur de nombreuses sections. Voire à fermer des lignes.
Le réseau ferré a une structure comparable à celle du réseau routier. Il s’organise autour de la transversale La Havane-Santa Clara-Camaguey-Santiago de Cuba, qui traverse l’île sur 854 km. S’ajoutent, à l’Ouest, l’axe La Havane-Pinar del Rio et, à l’Est, ceux vers Guantanamo et Holguin.
Sur cet ensemble se branchent de nombreuses antennes reliées par des axes parallèles, dont celui emblématique du train électrique du Hershey, entre La Havane et Matanzas. Hormis les branches vers Sancti Spiritus et vers Holguin, villes importantes proches de l’axe central, tous ces axes secondaires ont des infrastructures de faible qualité et des performances médiocres.
En dehors de la ligne La Havane-Pinar del Rio et des antennes de la ligne centrale vers Cienfuegos et vers Guantanamo, les petites lignes sont desservies par des guagas trenes, « railbus » de construction russe ou par des véhicules bricolés localement. Les guagas trenessont aussi utilisés pour la desserte aléatoire des lignes de la banlieue de La Havane(4).
Alors que continuent à circuler des matériels américains, des engins sexagénaires comme les emblématiques rames inox US Budd datant des années 1950. Démotorisées et utilisées en voitures voyageurs remorquées… par des locomotives russes !
Dans ce système à bout de souffle, seul le tren francès (5) qui, un jour sur deux, relie de nuit La Havane à Santiago de Cuba et retour, propose confort et temps de parcours relativement acceptables. Soit 14 h 40 pour effectuer 861 km à la vitesse commerciale de 58,7 km/h avec deux arrêts. À comparer aux 16 ou 17 heures des autocars Viazul ! Si les parcours partiels sur la ligne centrale offrent des vitesses acceptables, les antennes vers Pinar del Rio, Guantanamo, Matanzas et Moron et - pire encore - les petites relations transversales, peinent à atteindre 30 km/h.
Après l’accord russo-cubain conclu en novembre 2016, qui a permis d’accélérer le chantier de la rénovation de la gare centrale de La Havane (6), la machine ferroviaire semble toutefois redémarrer. En mars 2017, les conclusions d’un audit sur l’état du réseau ferré cubain ont été publiées. Réalisé par RZD International, filiale ingénierie des Chemins de fer russes, elle liste les opérations de modernisation à achever d’ici 2030 pour un montant d’un milliard d’euros. L’appel au partenariat avec la Russie vient de loin.
« Il est vrai que nous bénéficions d’une expertise ancienne dans le pays. Nous connaissons aussi bien le réseau que ses matériels roulants et ses équipements, puisque c’est notre industrie qui les a en grande partie fournis », rappelle Arkadi Diakonov, le représentant des RZD en France. Qui évoque aussi la coopération de RZD International avec Systra. Sans oublier celle avec Bouygues, puisque le groupe français de travaux publics est très présent à Cuba. Fortement engagé dans la modernisation de l’aéroport de La Havane et dans divers projets hôteliers, il peut apporter également son expertise du génie civil au profit du ferroviaire.
Mais les ressources budgétaires locales comme les crédits russes ou chinois sont loin de couvrir les investissements urgents dans les transports cubains. L’appel à une large coopération internationale pourrait être entendu par de nombreuses grandes entreprises internationales, accords interétatiques et garanties financières à l’appui de la démarche. Puisque de nombreuses questions de nature politique continuent de se poser. Principalement celle de savoir jusqu’où veut - ou peut - aller le gouvernement cubain dans son processus d’évolution jusqu’ici chaotique vers une sorte d’économie mixte de marché.
Un tableau brouillé encore plus par la toile de fond omniprésente des incertitudes suscitées par la politique cubaine de Donald Trump après l’ouverture spectaculaire lancée en 2014 par Barack Obama…
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L’interruption de l’aide de l’URSS et des pays de l’Est a été chèrement payée par Cuba dont le PIB a régressé de près de 40 % de 1990 à 1995. Avec une crise énergétique et une paralysie majeure des transports.
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Le réseau d’autobus de La Havane comprend 17 lignes principales (16 radiales et une circulaire) et 103 lignes secondaires (scolaires, coopératives, d’entreprises et navettes aéroportuaires « Taxibus »). Le réseau principal transporte 412 M de voyageurs par an. Avec une offre (théorique) aux 15 minutes en heures de pointes et aux 30 à 40 minutes en heures creuses. Le parc de bus public (hors coopératives et autres) totalise 858 véhicules dont 339 bus articulés en grande majorité de construction chinoise. S’ajoutent 7600 taxis qui transportent 160 000 personnes par jour et deux lignes de ferrys entre la gare maritime et les quartiers de la rive nord de la baie.
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Piétons, auto-stoppeurs, cyclistes, tracteurs et véhicules hippomobiles circulent ou stationnent sur les bas-côtés de l’autoroute. Tandis que des créneaux régulièrement ménagés sur le terre-plein central permettent … des demi-tours !
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Un ensemble de 200 km de lignes qui intègre la nouvelle antenne vers Mariel et la partie suburbaine de la ligne électrique « Hershey » (voir encadré).
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Ainsi nommé car composé d’anciennes voitures inox du « Trans Europ Express » Paris – Bruxelles d’avant « Thalys ».
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Cette rénovation d’un coût de 15 M € allie réhabilitation du bâtiment historique de 1912, création de deux quais et deux voies supplémentaires, séparation des voies et quais grandes lignes et banlieue plus la réalisation d’un centre commercial. Et d’une gare d’autobus jumelée à la gare ferroviaire.




Un des derniers Camellos de La Havane.
Un camion carrossé en autobus.
Le Tren Frances à La Havane.
Un camion Ford re-carrossé en bus.
Un camion Ford re-carrossé en bus.
Un important réseau ferré
à bout de souffle
Le réseau des FCC, les Ferrocarriles de Cuba (1) paie trois décennies de laisser-aller et de bricolages visant à sa simple survie. Des matériels hors d’âge roulent toujours, faisant autant la joie des amateurs ferroviaires que les vieilles voitures américaines réjouissent les fans de l’histoire automobile.
Quasiment rien n’a été investi en faveur du rail depuis les années 1970-1990 quand l’ex-URSS et les pays de l’Est avaient aidé à remodeler la ligne centrale, colonne vertébrale du système ferroviaire, en réalignant partiellement le tracé, créant de nouvelles gares, doublant la voie et installant une signalisation automatique. Modernisation réalisée en même temps que la construction - avec les mêmes aides - de l’Autopista Nacional.

Un railbus récent, d’origine russe.
En 2007, l’achat d’urgence de 12 locomotives chinoises (C°C° Dong Feng série 7G) d’une puissance de 1840 kW destinées aux relations grandes lignes a été un premier appel d’air. Suivi, en dépit de problèmes mécaniques d’origine, de l’acquisition d’une centaine d’engins de même type jusqu’en 2012.
Parallèlement, était réalisé l’achat, également en Chine, de 240 voitures voyageurs qui restent à livrer jusqu’en 2019. Depuis 2010, la majorité des investissements du Ministère des Transports est dédiée au réseau ferré.
Après les Chinois, le vieux partenaire ferroviaire russe fait un spectaculaire retour en force. En 2013, une première commande de 300 automotrices diésels SV 10 (176 kW, 93 places) de type « railbus » a été passée au constructeur russe Muromteplovoz. Les 17 premières rames, construites en Russie, ont été mises en service dès le début de 2014 alors que le reste de la commande est assemblé sur place à Cardenas près de Varadero. Les premières rames produites localement ont été livrées en juillet 2015.
En juillet 2016, durant le Forum Économique International de Saint-Pétersbourg, un accord de financement d’un montant de 190 M€ est conclu avec la Russie pour la remotorisation de 75 locomotives lourdes diesel-électriques C°C° de construction soviétique (types TGM 3 et 4, séries 37 et 38 des FCC), et pour la modernisation des ateliers ferroviaires de La Havane. S’ajoute l’acquisition de 15 locomotives diesel-électriques pour les trains de voyageurs grandes lignes, et de 60 locomotives diesel-hydrauliques pour les trains voyageurs et fret locaux.
Cette commande au constructeur russe Sinaraa été finalisée fin 2017, alors qu’une nouvelle commande de 28 rames diesel quadruples à livrer d’ici 2021 est signée avec Transmasholding, le partenaire russe d’Alstom.
Parallèlement, 363 wagons (dont 163 wagons sucriers et 105 wagons porte-conteneurs) ont été achetés au même constructeur, alors qu’une autre entreprise russe, TVZ, livrera 68 voitures pour voyageurs grandes lignes d’ici 2019. Ces matériels roulants s’ajouteront aux 550 wagons et aux 200 voitures voyageurs livrés par l’Iranien Wagon Pars depuis 2010 sur la base d’un prêt vénézuélien de 100 M€.
En 2016 une nouvelle ligne à double voie - une première depuis 1982 ! - a été mise en service sur 65 km entre La Havane et Mariel pour relier au réseau ferré ce port conteneurs dont l’ambition est de devenir la nouvelle porte maritime du pays et le principal port des Caraïbes apte à accueillir les navires « Post-Panamax » et « New Panamax » après élargissement du canal. Mariel et sa zone économique franche disposent d’une nouvelle gare de triage et la ligne a des raccordements au réseau permettant son inclusion dans le système ferroviaire banlieue de La Havane.
C’est la première étape d’une relance ferroviaire qui bénéficierait de 1,3 Mds€ d’investissements d’ici 2021. Premiers résultats fin 2017 avec l’informatisation de la billetterie et l’installation de la fibre optique sur La Havane-Santiago de Cuba.
Dans cet ensemble dont le financement reste à boucler, figurent les opérations préconisées par l’audit russe à hauteur de un milliard d’euros d’ici 2030. Il s’agit à terme de disposer d’infrastructures principales parcourables à 100-120 km/h pour les trains de voyageurs et à 80-100 km/h pour le fret.
Outre la ligne centrale où il faut retrouver ces performances d’origine, on vise la réhabilitation de trois axes importants, l’ensemble totalisant près du quart du kilométrage du réseau. Avec l’antenne Santa Clara-Cienfuegos de la ligne centrale, la ligne La Havane-Navajas, plus un axe parallèle à la ligne principale qui relie ces antennes entre elles.
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Le réseau FCC totalise 8367 km de lignes. Un réseau général de 5064 km (dont 123 km électrifiés) et 3303 km de lignes sucrières et industrielles. Le parc des matériels associe 283 locomotives diésels (plus 400 locotracteurs industriels), 9 automotrices électriques, 160 autorails et automotrices diésels, 780 voitures voyageurs et 40 000 wagons. En 2015 le trafic a atteint 9,7 M de voyageurs (804,5 M de v.km) et 16,9 M de tonnes de fret (1,78 MM de t.km).
Les trains cubains
Belles américaines, old timer Bloc de l’Est et spartiates collectivos ou camiones
Un véritable « patrimoine roulant » ! Les quelques 60 000 voitures américaines datant des années 1940 à 1960 qui roulent encore à Cuba sont devenues la vitrine touristique glamour du pays. Buick, Chevrolet, Ford, Pontiac ou autres plus anciennes comme certaines Ford d’avant 1929, toutes ont été classées « monuments historiques » par Fidel Castro, afin d’empêcher leur exportation. Aussi, elles sont littéralement chouchoutées par leurs propriétaires qui n’hésitent pas à les bricoler (1) et parfois à les rénover somptueusement, quitte à faire venir des Etats-Unis - à prix d’or ou de dollars - des pièces et des équipements issus des catalogues des constructeurs destinés aux collectionneurs US.

Des Chevrolet de 1948 en versions berline et coupé.
La remise à niveau est effectuée par des mécanos hors pair qui officient même parfois sur les trottoirs de La Havane ! Si la démarche est coûteuse, elle se révèle très profitable, puisque ces voitures apportent une véritable manne financière à leurs propriétaires quand ils les utilisent en taxis urbains ou véhicules d’excursion.
À l’image de ces coupés aux incroyables couleurs, de la teinte framboise écrasée jusqu’à celle vert pomme Granny Smith en passant par le rose Barbie et l’orange très mure, qui sillonnent le Malecon et les grandes avenues de La Havane ou des principales villes touristiques.
Elles font la joie des photographes amateurs ou professionnels, ceux de la mode ou de la décoration n’hésitant pas à installer des studios improvisés sur certains trottoirs, entre façades colorées et belles américaines rutilantes…
Rues et routes cubaines offrent aussi des circulations non moins intéressantes à nos yeux habitués aux parcs automobiles normalisés. Hormis quelques voitures chinoises, coréennes et japonaises comme des Peugeot et Renault importées durant la dernière décennie, ce sont surtout les pétaradantes Lada, les lourdes Moskwitch et les petites Polski Fiat 126 p qui tiennent encore le haut du pavé, et survivent à la disparition de l’ancien Bloc de l’Est (2).
Elles partagent la voirie avec les omniprésents bus scolaires jaunes (3) et d’autres véhicules plus insolites comme les « bici-taxis » (vélo - taxis), les « coco-taxis » (scooters carrossés en coque… de noix de coco !) et les collectivos, les taxis collectifs. Dans ce dernier cas, on peut - au mieux - avoir affaire à des américaines des années 1950-1960 en versions breack, ou van qui peuvent accueillir jusqu’à huit passagers sur trois banquettes.
En beaucoup moins confortable on trouve d’improbables minibus bricolés à partir de châssis de camionnettes ou de camions hors d’âge. Le dernier choix de confort, les camionnes. Camions de tous types et de toutes origines dont la benne est équipée sommairement de banquettes et coiffée de bâches posées sur une structure métallique à claire voie. Véhicules rustiques et petits trajets à bas coût en périphérie des villes ou entre localités rurales.
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Au fil des années et des défaillances, la majorité des voitures ont été rééquipées de moteurs de « Volga » soviétiques - comparables aux V 8 américains d’origine - puis de moteurs asiatiques plus récents.
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Le –faible- parc automobile cubain totaliserait 450 000 véhicules (40 ‰ habitants) dont plus du tiers de voitures officielles ou d’entreprises. Plus 10 000 à 12 000 autocars et autobus et une centaine de milliers de véhicules utilitaires.
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Les minibus de construction chinoise sont souvent épaulés par des « schoolbus » de facture US. Importés de seconde main du Canada, ils ont même souvent conservé leurs inscriptions en français !
Les belles américaines
Un avenir touristique pour le centenaire train du Hershey ?
Si La Havane et Matanzas ont été reliées par le chemin de fer dès 1843, une seconde ligne au trajet plus côtier est créée en 1917 entre les deux villes par le chocolatier américain Hershey.
Partant à La Havane de la gare de Casablanca située sur la rive nord de la baie, elle arrive à Matanzas dans le quartier de Versalles, considéré comme le berceau de la rumba. Cette ligne de 105 km électrifiée en 1200 V continu a été desservie jusqu’en 1990 par les motrices américaines Brill d’origine. Semblables à celles des réseaux interurbains des États-Unis de l’époque, et que l’on retrouve en arrière-plan des films de Buster Keaton !
Ces vénérables engins gardés en réserve pour restauration et éventuelle utilisation touristique, ont été remplacés par des motrices de seconde main provenant du réseau FGC de Barcelone. En dépit de ce renouvellement, la dégradation de la ligne s’est accentuée au fil des années et les trois trains allers-retours journaliers demandent au moins trois heures pour relier La Havane à Matanzas.
L’idée d’une remise à niveau fait son chemin. Une étude allemande de 2012 préconise la rénovation de la voie et de l’alimentation électrique, sous-stations et des caténaires. Elle propose également le branchement en amont de la ligne au réseau ferré de banlieue de la capitale, afin d’éviter la traversée en ferry de la Baie de La Havane. Préconisations reprises par l’étude RZD International, qui y ajoute un prolongement vers le complexe touristique de la presqu’île de Varadero.
Les trains touristiques
Dans le petit train de la Vallée de Los Ingenios
Ca grince, ça tremble et ça secoue. Au démarrage, le moteur de la locomotive diesel pétarade puis vrombit comme celui d’un vieux DC 8 au décollage. Mais finalement, ça roule en dépit d’une voie inégale, cahotante et tortueuse ! Émotions garanties et atmosphère chaleureuse nourrie par les cocktails du petit bar dans la voiture de tête.
Nous sommes dans un petit train pas comme les autres, survivant d’un temps oublié. Si depuis le cyclone de 2010, Trinidad reste coupée du réseau ferré central (les travaux de réhabilitation seraient en cours), le rail n’a pas disparu de la ville-phare du tourisme cubain grâce à ce curieux petit train touristique qui permet de découvrir la Valle de los Ingenios, la « Vallée des moulins à sucre », classée au Patrimoine mondial de l’Humanité.
C’est ici qu’est née, au tournant des XVIIIe et du XIXe siècles, l’industrie sucrière cubaine, stimulée par l’arrivée des colons français chassés d’Haïti après la révolte de Toussaint-Louverture. Dans cette vallée, qui s’étire sur trente kilomètre, on a compté jusqu’à 70 moulins à sucre avant que la crise sucrière et économique de 1850 n’amorce le déplacement de cette industrie vers l’ouest du pays.
Fondée sur l’exploitation à grande échelle des esclaves, cette activité agro-industrielle a été à l’origine d’immenses fortunes comme celle de la famille négrière Iznaga, dont le fondateur a fait construire une somptueuse demeure coloniale - devenue un restaurant - dans le village qui porte son nom. Une petite localité dominée par une tour de 43 mètres de hauteur édifiée en 1816, et qui était destinée à surveiller le domaine. Sa cloche, aujourd’hui exposée au sol devant l’ancienne maison de maître, appelait les 231 esclaves de l’exploitation au travail des champs et de l’usine…
Les premiers kilomètres de la partie subsistante de la ligne Trinidad-Placetas permettent une découverte insolite de la vallée. Même si, en attendant la remise en état des deux locomotives à vapeur historiques Baldwin qui datent de 1914 et 1923, c’est un poussif locotracteur diesel russe qui tracte les voitures en bois à plates-formes ouvertes, façon western. Après une étape d’une heure à Manacas Iznaga, le train termine son parcours dans l’enceinte d’une ancienne sucrerie où bar accueillant et orchestre tonitruant attendent les voyageurs !
Les car et bus cubains